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Il était une fois Isleña 

           Nom féminin désignant la femme insulaire

N A I S S A N C E

Isleña est le nom donné à la femme qui habite les îles. Isleña est venu d'un voyage à Minorque, l'envie de rester ailleurs et l'étrange sensation d'appartenir aux îles. Isleña est un mot d'autochtone, quelqu'un qui dit que je suis d'ici, puis quelqu'un d'autre : est-ce une manière d'être accueillie, intégrée, ou une manière d'être à l'origine ? Isleña est l'envie de rester en île et de quitter la ville, la tentation peut-être de faire quelque chose qui pourrait me faire vivre ailleurs. Isleña est venu dans ma tête, puis un jour à trois heures du matin, un jour de nuit avec une amie nouvelle, une conversation courte suffira pour confirmer l'envie : « Isleña Jewellery ».

Le mot espagnol qui désigne celle qui habite une île et le standard anglophone, le tout fait à la main en pièces uniques, cousues de pierres semi-précieuses et de cristaux, de matériaux sans nickel et sans allergènes. Essayer encore de faire quelque chose du mieux possible. Faire, s’amuser et en vivre, essayer.

J’étais à Menorca pour terminer un livre, écrire et me reposer de la ville. Me reposer aussi de la dernière exposition installée, à Barcelone, du tumulte du travail et des autres. Je suis d’abord partie pour une semaine, un hasard qui n'aurait pas existé si je n'avais pas été à Barcelone un mois en été, si je n'y avais pas rencontré quelqu'un qui me proposa d'exposer, puis si je n'étais pas revenue pour installer mes photos sur des murs étrangers... Une semaine donc, et à ce moment là éblouie par ce qu'il se passait hors de mes frontières, j'avais en tête de voyager en Europe, tenter une ville par mois pour trouver d'autres galeries, à Milan, Londres, Bruxelles... Une semaine, et cette semaine devint le temps que je me donnai pour décider d’y passer une saison ou non. J’y ai passé Noël face à la mer, seule dans le grand appartement du port. Voyager donne les réponses à tout. Je suis rentrée à Barcelone pour y faire mes valises, je suis restée dans le loft de Maón jusqu’en juin, interrompue souvent par Paris qui criait.

Habiter Maón, c’est habiter une île, mais c’est aussi habiter une toute petite ville. Qui comme toutes les petites villes d’Europe lutte pour ne pas mourir. Les gens s’en vont faute de travail, malgré le tourisme dont je ne parlerai pas. Devant le ciel qui changeait de couleur mille fois par jour, sur la terrasse devant la mer qui ressemblait à un lac, j'ai eu cette envie rêvée : rester là, s'ancrer ici. Comme tous les enfants gâtés j'ai imaginé une solution pour réaliser le rêve, un début de réalité, et je verrais bien si le rêve était furtif ou non - on ne sait ça qu'à conditionde commencer à le réaliser. Si je voulais rester il fallait trouver quelque chose à faire, autre que la photographie : quelque chose à vendre. Les bijoux sont revenus naturellement et de longs aller-retours à Paris se sont avérés utiles.

J'ai commencé à créer des bijoux lorsque j'étais étudiante. Pour moi, et puis occasionnellement pour d'autres femmes, à leur demande. J'ai cessé dix ans. Comme on arrête de dessiner à l'aquarelle quand on grandit. Avant de me remettre à créer des bijoux j’ai écrit. Ecrire, c’était cesser d’écrire pour les autres. Cesser d’écrire sur commande. Cesser d’être payée pour le faire. Sur le chemin j’ai commencé à montrer mes photos. Commencé à en faire pour d’autres. Cesser de ne faire ça que pour moi. Sur le chemin s’est installé un équilibre qui me semble d’une éternelle fragilité : entre le faire pour soi et le montrer aux autres. Entre le faire pour le monde et le faire pour rien. Quelque part j’espère, tout se rejoint.

J’ai refait des bijoux l’année de mes trente-cinq ans, à Paris, dans cette saison passée à Minorque. J'ai pris l'avions pour la rue Vieille du Temple. J’ai acheté les pierres, des agates bleues, du jade, de la nacre grise, carrée et trouée, les formes étaient graphiques et nobles, tout me donnait envie d'inventer. Je me suis installée dans les Tuileries pour créer les premiers colliers. Mes premiers depuis dix ans. En fin de journée j’ai déposé mon drap de plage sur les pavés de Beaubourg autour des artistes de rue. J’avais quatre bracelets et trois colliers à vendre. Je crois que j’ai eu l’envie de m’asseoir à côté des artistes de rue dès mes six ans. La chose m’aura donc pris près de trente ans. Le temps qu’il m’a fallu pour désapprendre les bêtises et les peurs qu’on met dans nos têtes. Dès le premier jour des passants me demandent si on a le droit d’être là. J’ai l’envie de leur demander qui a le droit d’exister. Me souviens de cette phrase de Lou Andreas Salomé : « Si tu veux une vie, vole-là ». J’ai vendu ma première parure, dans la rue, le premier jour où je m’y suis installée avec des bijoux. Plus rien n’a jamais été comme avant.

 

Je suis retournée à Minorque. J’ai trouvé un point de vente. Bohèmia sur le port, a pris tous mes sautoirs. Il a fallu partir - l’été les loyers sont impossibles. Paris. J'organise un showroom, les gens viennent, achètent, je me rembourse - je n'arrête pas d'être surprise en fait. Je repars à Barcelone. Pour installer l'exposition commandée l'an dernier par une boutique du Born dans une autre galerie du Raval. Ici l’adorable boutique mitoyenne de ce qui sera ma galerie pour quelques mois me prend une quinzaine de pièces. Coco Deco devient mon deuxième point de vente, à quelques pas du Jardi et de ses tomates bio au poivre noir. Paris encore, j’organise mon deuxième showroom à la rentrée 2017, avant Noël. Et je cherche des boutiques. Les gens me demandent où. Dans le monde entier pourquoi pas. Je rêve d’avions qui un jour ne pollueront pas les airs. Il faudrait que je passe mon permis-bateau j’imagine. En attendant j’écris, je fais des photos et des bijoux. Pour moi, pour vous, pour elles.

On the moon
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In the Woods
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